La Grammaire est une Chanson Douce, Erik Orsenna.
Certains livres ont ceci de merveilleux qu’ils nous enchantent. Ce livre d’Erik Orsenna est né de son mal-être face à ce que ses enfants apprenaient à l’école, au collège, les éloignant des classiques de la grammaire, ces mêmes classiques qui permettent aux uns et aux autres d’écrire correctement la langue.
J’ai découvert cet ouvrage en lisant un livre tout aussi intéressant mais beaucoup moins romancé traitant du système éducatif français (et n’allez pas dire que je dois sacrément m’ennuyer pour lire ce genre de choses, parce qu’en fait, c’est juste que ça commence à m’intéresser un peu), L’imposture Scolaire, un livre d’Alain Planche. Je suis allée chercher des références et de fil en aiguilles, parce que Mollat c’est le mal, je suis tombée sur ce livre d’Erik Orsenna.
N’allez pas croire, La Grammaire est une Chanson Douce n’est pas un assommant précis de grammaire. Non, ce livre raconte une histoire d’amour. Une histoire d’amour entre un homme et la grammaire, entre une petite fille et les mots. J’en ai eu les larmes aux yeux.
Si Jeanne et son frère Thomas ont perdu leurs mots après un puissant naufrage qui entraîna leur bateau par le fond, il n’en reste pas moins qu’ils pourront faire confiance à Monsieur Henri et son séduisant neveu pour partir à la conquête de leurs mots, pour charmer ces étranges créatures qui ne sont pas de simples outils, mais bel et bien des entités pourvues de caractère et de charme…
À travers ce livre et cette histoire pour laquelle je n’ai cessé de sourire, on se plonge dans la construction de la phrase en toute simplicité.
Mon passage préféré est celui de la quatrième de couverture, alors, je vous l’offre :
« Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue : je t’aime.
Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur la blancheur des draps.
Il me sembla qu’elle nous souriait, la petite phrase.
Il me sembla qu’elle nous parlait :
— Je suis un peu fatiguée. Il paraît que j’ai trop travaillé. Il faut que je me repose.
— Allons, allons, Je t’aime, répondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. Quelques jours de repos et tu seras sur pied.
Monsieur Henri était aussi bouleversé que moi. Tout le monde dit et répète « Je t’aime ». Il faut faire attention aux mots.
Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s’usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver. »
En tout cas, je vous invite à aller découvrir ce livre, je l’ai vraiment beaucoup aimé. Il y a un certain sens du choix, dans le mot, une maîtrise exceptionnelle de la construction d’une phrase et ça se ressent dans la puissance de l’écrit. Erik Orsenna sait manier les mots, il les aime, ça se sent, ça se ressent.