Lundi 13 avril 2015 à 23:08

 

[Les Cendres Froides du Garçon Voie-Lactée]

 

Les amours perdues ont la saveur de cendres froides.

À force de repenser au garçon aux mille étoiles, petit bout d’Univers qui se balade en traînant sa peine comme un fardeau honteux, je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire un point.

Peut-être ai-je oublié, avec le temps et les nouvelles amours, la difficulté qu’il y avait à se relever après une déception. Peut-être que je ne comprends pas comment on peut user à ce point ses souvenirs en espérant qu’ils redeviennent une réalité étiolée par le temps.

Peut-être que je suis plus forte que ça et que je ne pourrai jamais comprendre la douleur qui ronge une âme, quand il s’agit d’amour.

Seulement…


Même quand il pense lever le voile qui lui masque la vue, le temps de contempler la triste horreur de son quotidien, même là, il ne dit pas toute la vérité. En a-t-il seulement conscience ?

Si j’osais… Si j’osais, je lui dirais : « Non, tu ne cherches pas à l’oublier en te jetant à corps perdu dans une nouvelle relation. Tu cherches à la retrouver. »

Et ça ne fonctionne pas.

Des « comme elle », il n’y en avait qu’un seul exemplaire, c’est justement pour ça qu’elle avait su faire la différence et qu’elle avait pu faire étinceler son cœur des étoiles qui lui coulent maintenant sur les joues. Seulement, cette Elle est partie, sans espoir de retour.

À présent, il a le cœur de guingois et puis il y a moi, qui ne sais pas quoi dire, parce que tous les mots du monde sont bien peu de choses face à une peine au goût de cendres froides.

Alors, je souris à demi et je reporte sans cesse le moment où il faudra qu’il ouvre les yeux, de préférence avant d’avoir commis d’irréparables dommages et avant qu’il ne prenne la place que son ex a refusée, celle de petite salope.

 

Et puis qui suis-je, moi, petite moi, pour aller lui balancer ce qu’il refuse de savoir ? Et pourtant dieu sait que ma voix aimerait se revêtir de fiel et s’alourdir de cendres pour lui murmurer à l’oreille :

« Elle est partie. Arrête de La chercher dans toutes les courbes que tu rencontres. Aucune ne pourra La remplacer et aucune ne veut devenir Elle.

« Elle était la seule à pouvoir combler les attentes que tu avais pour Elle. Ne les reporte pas sur une autre. Elle ne mérite pas ça. Aucune femme ne mérite de voir, tapie au fond du regard de l’homme qui la contemple, la silhouette mille fois fantasmée d’une ex mal oubliée.

« Arrête de chercher à rencontrer une autre femme, comme pour fuir le regard qu’Elle pose sur un autre. Elle est partie. Cesse ta course vers un avant aux allures de gouffre, et regarde Sa silhouette s’en aller. Ça fera mal les premiers temps, et t’auras envie de crever plutôt que laisser tes yeux souillés de larmes admirer le spectacle vomitif d’un amour qui n’est pas le tien. Mais j’te jure qu’à force, tu en souriras. Et tu seras sincère quand tu diras « Elle est mieux avec lui », parce que tu auras tourné la page.

« Là, t’es pas sincère. Tu singes juste les mots que tu penses qu’on veut entendre.Et c’est triste à en rire de te voir mentir, comme si on te croyait, et de nous voir hocher la tête pour ne surtout pas te contrarier.

« Mais putain, tu la mérites, ta guérison. Va la chercher. Il est temps. Pleure une bonne fois pour toutes, cesse d’étouffer tes larmes dans les bras de ta solitude. T’as des amis qui donneraient n’importe quoi pour bercer tes oreilles de banalités qui font au chaud au cœur quand on se sent mal. Ils te les diront,ces banalités, que tu te relèveras sans problème, une de perdue dix de retrouvées et de toute façon elle te méritait pas et elle avait un gros cul,quand même, sur la fin et ils avaient toujours senti que vous finiriez pas vos vies ensemble.

« Et si tu le veux, moi, je te dirai la vérité. Je te dirai que c’est pas vrai que t’es mieux sans elle, mais que, bon, elle ne reviendra pas, mouche-toi, s’il te plaît, tu en fous partout. Moi, je te tapoterai le dos en disant là, là,pleure, vas-y, faut que ça sorte, y a qu’en le pleurant qu’on fait sortir l’amour, c’est le seul antipoison valable.

« Et moi, je voudrai t’entendre me parler d’elle, pour que tu uses tes souvenirs et qu’ils ne reviennent plus te tenir éveillé, te forcer à ne sombrer dans le sommeil qu’avec l’épuisement ou l’alcool.

« Et puis, je t’apprendrai à tout dire à tes feuilles, sans jamais rien révéler, pour faire de toi le phénix d’encre qui jaillit de ses cendres froides. »

 

 

Mais ces mots, je ne les dirai jamais au garçon Voie-Lactée.

[Alors je le regarde charrier ses cendres froides, espérant qu’elles ne fassent suffoquer personne.]

 

Vendredi 9 janvier 2015 à 23:38

 [La prise de conscience]
 
 
 
Aujourd’hui, je suis Charlie, comme beaucoup d’autres Français, qui ont pris en pleine poire cette attaque terroriste qui menaçait depuis longtemps et qui aurait pu salir notre beau pays d’une pluie de sang bien avant ce jour tragique.
Je pense qu’aujourd’hui, être Charlie ne signifie pas – pas seulement – avoir de la peine pour l’ensemble des victimes de ces deux harassants jours noirs. Il ne s’agit pas seulement défendre une liberté dont on nous arrose à toutes les sauces, pour justifier tous les propos, même les plus immondes.
 
Être Charlie signifie avoir pris conscience. L’horreur qui a frappé le pays il y a quelques jours est plus profonde qu’une entaille purulente dans la liberté de la presse, la liberté d’expression. La France et ses citoyens ont pris conscience qu’ils pouvaient être des cibles, qu’ils étaient en guerre. C’est ça, « être Charlie ». C’est avoir compris qu’une menace plane, qu’elle est réelle et qu’il ne s’agit pas seulement d’une théorie du complot.
Bien sûr, la guerre, on en a entendu parler, on la voit tous les jours dans nos jeux, sur nos écrans. Nos militaires, braves petits soldats de plomb, tombent pour la France dans l’anonymat le plus total. Et puis, après tout, c’est leur métier de mourir pour le pays, on ne va pas les plaindre d’avoir signé pour ça… De toute façon, c’est même pas nos guerres, elles sont loin de nos sols.

Mais maintenant, la guerre, elle est à nos portes. Elle menace une institution, qui, même si elle était peu lue, était connue. Qui n’a jamais dû commenter une caricature d’Hara-Kiri en Histoire ? Tout le monde connaissait les dessins acides de Charb, de Cabu et des autres.
Et puis la guerre, elle nous a pris Bernard Maris. Et puis la guerre, elle a assassiné un homme à terre et tué, dans le dos, une femme.
Ça, nos écrans ne nous avaient pas dit que ça pouvait arriver. On ne nous avait pas dit que la guerre pouvait traverser le quatrième mur et venir s’échouer dans nos salons.
Pourtant, elle est là.

Ce n’est pas une guerre traditionnelle. Il n’y aura pas d’un côté les gentils Français, de l’autre les méchants islamistes, au milieu les musulmans de France qui doivent choisir un camp sous peine de mort.
On n’est plus en 1940, on a vaincu le nazisme, ce n’est pas pour retomber dans un simulacre d’épuration raciale au premier coup de canon venu. Ce n’est pas parce qu’ils s’appellent Aziz, Abdoul, et autres « prénoms à consonance » (mon dieu que cette expression est vide de sens) qu’ils sont le diable incarné ou des Judas en puissance. De toute façon, la plupart d’entre eux n’ont pas Judas comme symbole, donc la comparaison les laissera froids.
On assassine la religion, peu importe sa forme, en rattachant les délires psychotiques de jeunes embrigadés avec les dogmes de l’une des trois grandes religions monothéistes. Alors, non, les prêtres ne sont pas tous pédophiles, non les juifs ne pensent pas qu’à amasser de la thune, non les musulmans ne se baladent pas tous avec une ceinture de C4 en attendant la meilleure occasion de se faire sauter.
J’ai des amis pratiquants de toutes ces religions. Ils me disent tous la même chose : « Mon texte sacré m’apprend l’amour et le respect, l’ouverture d’esprit ». Donc laissons hors du débat la religion. Qu’ils aient commis cet acte au nom du Prophète, ou au nom de Pastafari le Grand, ou de la Sainte Patate, cela n’a aucune sorte d’importance.
 
C’est l’acte lui-même qu’il faut retenir. Et ses conséquences.
La France s’est soulevée d’une seule voix, révoltée par les actes. Elle n’a pas eu besoin qu’on excite sa peur, elle l’a dit « Nous, on n’a pas peur. Nous, on est protégés. »
Ça a fait l’effet d’un électrochoc à ma belle et magnifique France, grande de diversités. Toutes ces diversités se sont mêlées pour former une voix profonde, une voix aussi puissante que la terreur que voudraient distiller certains.
La guerre sera longue. Il y en aura pour tous les fronts et on aura besoin de toutes les forces possibles. Chacun peut donner un peu du sien. Se concentrer sur les stigmatisés pour éviter qu’on puisse leur promettre une vie plus belle sous les balles, parce que c’est grave qu’on puisse penser qu’une plus belle vie nous attend sur un champ de bataille plutôt qu’en France. Lutter contre la bêtise de l’amalgame. Et continuer de sourire. De rire. Et de n’avoir pas peur.
La peur ne doit pas avoir de prise sur nous.
La vie continue.
Aujourd’hui, je suis Charlie. J’ai reçu tout mon héritage d’un grand coup de kalach dans les locaux d’un hebdomadaire que je ne lisais que quand je n’avais rien d’autre à lire.
Je ne m’abonnerai pas à Charlie Hebdo pour autant. Si je dois faire un don, je le ferai autrement. Je ne hurlerai pas au meurtre de la liberté d’expression. Elle n’est pas morte. Elle est toujours là, notre mouvement en est la preuve.
 
C’est la peur qui tue la liberté.
Et nous n’avons pas peur.

Samedi 6 décembre 2014 à 23:29

[Lettre ouverte à une haine unilatérale]

 

Aujourd’hui, j’ai eu un débat intéressant avec mon chéri. En soi, ce n’est pas un exploit, ça nous arrive régulièrement de débattre, mais c’est peut-être la première fois que nous débattons si longuement sur ce sujet-là.

Nous avons débattu à propos d’un streamer.

Je ne parle pas du métier en tant que tel, chacun gagne sa vie comme il le souhaite et si c’est en cliquant sur une souris, soit, au moins ils s’éclatent et ce serait trop triste de vivre une vie entière sans s’éclater un peu, donc un grand bravo à ces mecs et ces filles qui ont su tirer leur épingle du jeu à tel point qu’ils puissent aujourd’hui vivre de leur passion. Le jour où j’en serai au même point est bien loin d’être arrivé.

Le fond du débat portait sur un streamer en particulier, que mon chéri adore presqu’autant que je le vomis.

Je déteste quasiment tout : de son physique à son jeu d’acteur, le personnage qu’il campe avec un tel brio que j’en viens parfois à oublier que ce n’est qu’un jeu d’acteur trop convaincant.

Bon, pour son physique, je dois reconnaître que la façon de se mouvoir est trop semblable à celle de mon ex pour que j’adhère franchement. (Même si je trouve son nez particulièrement craquant, okay, j’avoue tout.)

Mon chéri m’expliquait que ce streamer faisait aussi des vidéos où il se livre sur son quotidien, sa vie, ses pensées, ce qu’il a mangé le midi, tout ça (je n’exagère qu’à peine, je vous assure. lol.). Je n’ai pas vu les vidéos et il est possible que mon avis sur la question évolue si je me décide à les voir un jour, ce qui arrivera probablement, parce que l’homme derrière le personnage m’intrigue.

J’en suis venue à me poser de nombreuses questions sur lui, durant ce débat. Fouille-merde de l’âme d’autrui, des millions de choses m’ont sautées au visage, comme autant de boutons sur le nez, tout purulents, ne demandant qu’à être explosés.

Outre le fait que ce garçon a un très très gros problème dans la façon dont il gère sa relation à lui-même, il a aussi un défaut mille fois plus violent : il est foutrement lâche. J’y viendrai plus tard.

En soi, cette discussion m’a fait développer pour ce streamer une sorte d’affection mêlée de dégoût. Je déteste toujours le personnage, mais l’homme derrière le personnage a l’air d’avoir de gros problèmes dans sa tête, et j’adore les gens qui ont des problèmes dans leurs têtes, je me sens normale, entourée de mes semblables. (lol.)

L’argument fard de mon chéri en faveur de ce streamer est « Oui, mais il ne prend jamais parti. »

Pour mon chéri, fervent adorateur de la non-prise de parti, ça en fait une sorte de héros sorti d’un autre temps, qui laisse crever la veuve et viole les orphelins de crainte de perdre sa retombée pécuniaire.

Pour moi, c’est le synonyme d’une lâcheté qui n’a d’égal que son hypocrisie.

L’explication est la suivante : il ne veut pas donner son avis de peur que quelqu’un tombe sur ça, ne soit pas d’accord, et lui fasse perdre des viewers.

Okay, on lui demande pas de disserter sur les grands problèmes philosophiques de notre siècle. GPA-PMA, droite ou gauche, ce ne sont pas des sujets sur lesquels ses auditeurs veulent l’entendre. Du coup, il a raison de fermer sa gueule, je le plussoie avec force.

 

Le paradoxe est grand : il a peur de perdre son moyen de subsistance – logique, personne n’est assez con pour aller dire à son boss « embrasse-moi le cul et bois ma pisse, salope » à moins de vouloir perdre son taf – mais en même temps, il ne gagne pas forcément à ne rien dire.

Personne ne lui demande de prendre la tête d’un parti politique et de se lancer à la conquête de l’Élysée (l’ambition est d’ors et déjà prise, c’est la mienne, merci de ne pas marcher sur mes plates-bandes. lol).

La lettre ouverte qui suit n’a été construite que sur les propos répétés par mon chéri, qui a peut-être mal compris, mal interprété.

 

Mais, putain, mec, t’as une communauté derrière toi. Si tu prônes vraiment l’ouverture d’esprit de cette communauté (qui doit t’être chère pour que tu aies si peur de la perdre), tu peux pas être qu’un connard de capitaliste qui ne dort bien qu’avec plein de zéros sur son compte en banque.

Tu veux pas donner ton avis pour pas perdre des vues ? Alors que tu es respecté par une communauté tout entière ? Que t’es une sommité de ton milieu ? Mais, t’as jamais vu Spiderman ou quoi ? T’as du pouvoir, donc des responsabilités. Prends-les.

Plutôt que de laisser le choix aux gens de rester des connards bornés, influence-les. Ouais, c’est dégueulasse de te servir de ton poids dans ton milieu pour changer le monde. C’est terriblement injuste. Mais c’est à ça que ça sert le pouvoir. À changer les choses. Pour tous ces gens qui aimeraient avoir ton pouvoir, endosser tes responsabilités, mais qui ne sont pas dans tes baskets.

Tu pourrais devenir un ambassadeur. Montrer que ta communauté n’est pas qu’un lot mal dégrossi d’abrutis décérébrés. Tu pourrais faire changer les choses. Quand tu campes pas ton personnage, tu sais être calme et réfléchi. Puis t’as du charisme, bordel. Tu pourrais faire en sorte que ta communauté ne soit plus pestiférée, l’étendre, la faire connaître et la faire respecter.

C’est en ton pouvoir. Tu pourrais amorcer ce mouvement, ou même essayer de faire évoluer cette communauté parfois tellement retorse, pour qu’elle en sorte sublimée.

Sauf que t’es lâche. Et égoïste. T’as peur de perdre ta pitance, sauf qu’elle repose sur le vaste mensonge que tu as créé. Tu sacrifies sur l’autel de ton rêve modeste tout ce que tu pourrais faire pour cette communauté qui te fait vivre. Et tu me fais vomir.

Toi, t’as réussi là où des milliers d’autres se fracassent la mâchoire. T’es devenue une putain de légende. Y a des gens qui considèrent que ta parole a force de loi. Et au lieu d’en profiter pour servir ta cause, pour remercier et faire un renvoi d’ascenseur à ceux qui t’ont fait arriver là, tu leur craches dessus parce que tu veux pas perdre ton confort.

Je te déteste pour ça. Toi, personnellement, pas ton personnage. C’est toi qui as choisi cette façon de le camper. Tu as du pouvoir, donc les responsabilités qui vont avec. Et parce que t’es mort de trouille, tu refuses de les prendre.

Je peux comprendre que tu n’aies pas envie de faire pencher la balance dans des débats propres à ta communauté.

Ceci dit, rien ne t’empêche de brandir ton étendard, votre étendard, sur d’autres communautés. Va à la rencontre des autres. Donne de la voix dans des débats de fond sur ta communauté.

TU as voix au chapitre, contrairement à tous ces pauvres types qui rêvent d’être dans tes pompes juste une demi-journée.

 

Je ne serai jamais une de tes partisanes parce que tu foules au pied mes idéaux pour nourrir un rêve qui n’est même pas grand.

Ô ennemi unilatéral, tu me tues. Tu ne pouvais même pas éborgner mes convictions pour quelque chose de plus grand ? Il faut que tu fasses ça pour quelque chose que je méprise ? Que tu fasses ça pour du pognon ?

Ô ennemi longtemps rêvé, tu t’avères finalement tristement commun.

Et décevant. 

Mercredi 2 juillet 2014 à 22:41

 [La fin du diktat]

Du diktat de l’apparence au positionnement politique que je prends enfin, mon été ne va pas être vide. Pas totalement. Entre deux révisions – concours administratif, année de fac, je suis loin d’avoir tout acquis cette année, j’ai encore des choses à me prouver –, c’est décidé, je m’implique.

On a un projet, avec des copains. Un projet politique. C’est fou comme des personnes de convictions différentes peuvent parvenir à trouver un terrain d’entente en acceptant de partager et d’écouter ceux qui ont aussi des choses à dire. Et du coup, ce projet, on va le transformer en quelque chose de viable. Mais d’abord, on va le plancher à fond, donc je développerai plus tard cet aspect-là de mon été qui va peut-être se transformer en plusieurs années de boulot.

J’ai aussi décidé de lutter contre le diktat de l’apparence. Et pas à la façon des journalistes. Sérieusement, ils cataloguent « mannequin grande taille » des femmes comme vous et moi ! Elles ne sont pas squelettiques donc elles sont grosses. Et tout le monde dit « C’est formidable, cette acceptation du corps ».

Ouais, bien sûr, acceptation du corps, mon cul. Parcage insensé, plutôt. Pourquoi « mannequin grande taille » ? Mannequin tout court. Encore de la discrimination déguisée en avancée des mœurs. Et en plus, c’est parfaitement sexiste.

Vos sacro-saints mannequins grande taille, ce sont juste des femmes. Où sont les hommes ? Où sont les hommes avec des rondeurs, avec des formes, un peu de ventre et quelques poils ? Nulle part. Ce sont toujours des blocs de muscles photoshopés qui règnent en maître dans l’univers du mannequinat.

Et moi, ça me fait vomir.

J’en vois certains venir, qui me diront « Tu dis ça, mais tu te retournes quand même sur les mecs des magazines ». En fait, non, physiquement, ils m’ennuient, ces mecs-là. Ils sont sans surprise, j’ai vu le même dans un magazine chez mon médecin, c’est donc devenu sans intérêt.

Vous voulez que je vous dise ? L’homme qui partage ma vie mesure 1m79 pour 107 kilogrammes.

Et bordel, qu’il est beau, comme ça.

La force des muscles et la tendresse de ce bidon qui se balade au niveau de ses abdos. Moi j’aime les hommes qui ont des formes, alors montrez-m’en dans les magazines. Fi donc de tous ces corps similaires, où rien n’est extraordinaire, ou rien ne marque. Fi donc de ces gens oubliables, au corps tellement canon qu’on pourrait les échanger contre n’importe lequel qui soit un peu semblable.

Je ne veux pas ressembler à ça. Je ne veux pas que l’homme de ma vie ressemble à ça. On finit par tous devenir pareils !

Alors au diable votre précieuse silhouette de rêve, ventre plat, taille 36 et 90C ou D. Je serai celle que je suis, c’est à prendre ou à laisser.

Il est inutile de lutter contre les discriminations raciales ou sexuelles si c’est pour dévier sur des discriminations de forme. On peut être gros (et pas ROND, un rond c’est en deux dimensions et personne ne peut être aussi plat. Pourtant dieu sait que je connais des grosses sans beaucoup d’aspérités de caractère…) et beau, comme on peut être mince et moche.

 

J’aimerais tellement faire entendre mon point de vue à tout le monde, qu’on finisse tous par y adhérer et s’y attacher, où l’effet de groupe ne serait pas dû à une ressemblance physique mais à une accointance de caractère, une passion commune et où il n’y aurait plus d’exclus pour cause d’apparence hors critères.


C’est un de mes rêves. Je le partage avec vous. Je voudrais pouvoir sourire sans avoir honte de mes dents trop grandes sur le devant parce que je suce mon pouce depuis que je suis gosse et que je n’ai toujours pas fini. Je voudrais pouvoir sourire sans qu’on me demande pourquoi mes dents du bas se font la guerre, les uns sur les autres et des grandes zones sans dents, comme une zone de non-agression.

Je voudrais que mon amie, oui, celle-là, qui a des hanches volumineuses, cesse de se dire qu’elle n’est pas belle parce qu’elle rentre pas dans vos pantalons trop étroits et votre mode trop ridicule.

Je voudrais que mon ami, oui, celui-là, qui n’a pas vraiment de muscles, ne s’étonne plus quand il voit que quelqu’un s’est retourné sur lui, ne plus l’entendre dire que c’est sûrement qu’il avait quelque chose de travers.

Je voudrais que vous, qui me lisez, puissiez vous observer dans une glace en vous disant franchement que vous êtes beaux et que vous cessiez de pester contre votre nez de travers, bouche trop grande, sourcils trop écartés, j’en passe et des meilleures.

L’eugénisme des pauvres, j’en ai ma claque. Alors mon nez à bosse, mes dents de travers, mes cicatrices et mes vergetures vous saluent bien bas et moi, je tourne définitivement le dos à ces jérémiades insensées.

 

[À nous deux, connard de diktat. Je ne me laisserai pas faire.]

Lundi 9 juin 2014 à 16:04

Trente jours d'écriture 


J'ai lancé un défi sur Facebook, à mes proches, notamment. Au début, c'était juste pour Leen et moi, puis petit à petit des gens se sont ajoutés. Le défi consiste à, tout le mois de juin, écrire sur des thèmes différents, choisis aléatoirement en faisant défiler les mots dans mon dictionnaire. Je vous livrerai, avec du retard, bien sûr, chacun de mes textes sur ces thèmes.

Pour le 1er juin, il s'agissait du mot Électrum et je me suis essayée au théâtre.

ACTE I

Scène 1 : Airain.

 

AIRAIN, arpentant la bibliothèque du palais de long en large

 

Ce désastreux palais est aujourd’hui désert
De tout havre de paix. À quoi cela me sert
De rester à ses côtés ? Je ne suis que le second,
Le cadet. Et ce titre de mauvaise gloire est fécond
En tristes augures, en affreusetés.
Je hais cette place qui m’est allouée.
Et pourtant qu’y puis-je ? Je ne suis qu’airain,
Quand il est argent et or, quand il est souverain.
D’un geste il donne la mort, pourtant il aime la vie,
Sans le moindre remords, il choisit vent et pluie.
Les femmes lui font la cour, les hommes cherchent son appui.
Demain, je ne serai plus rien, le roi mon frère se marie.

 

(entre une jeune inconnue)

 

ACTE I,

Scène 2 : Airain, La Destinée

 

LA DESTINÉE, dans de grands mouvements amples et larges

 

Fi donc de noires pensées, mon frère, me voici toute à toi
Demain, il sera hère, et toi, tu seras roi.

 

AIRAIN

 

Silence, inconnue, ne parle pas si haut !
Si trahison il y a, tu finiras au tombeau !
Électrum est mon frère et le chef d’une nation
Et ceci est un poste dont je refuse la vacation.
Si je hais ma place, ce n’est pour prendre la sienne
À l’aube d’un jour où il nous offre une reine.

 

LA DESTINÉE

 

J’en ai décidé autrement. Je suis la Destinée et j’ai tous les droits
Je serai ton humble guide sur ce chemin de croix.
Je te mènerai au trône, que tu le veuilles ou non,
Ton frère souverain n’est guère mon ambition.

 

AIRAIN

 

Mais il a tout pour lui, Destinée, je me souviens encor
Comme notre père disait, à l’orée de sa mort,
Que je n’étais que bronze et Électrum, de l’or.
Je ne suis pas de ceux qui laissent périr les leurs–

 

LA DESTINÉE

 

Tu as pourtant en toi tellement de rancœurs
Et je ris, cher ami, de cette véhémence,
De cette ardeur à sa défense. Tu as tort
De penser avoir sa clémence.
Dès qu’il sera marié, il te jettera loin du palais
Et tu n’auras plus rien, foi de Destinée.
Je vois mieux pour toi que cette place
Et je sais distinguer le cristal dans ta glace.
Électrum mourra demain, avec ou sans toi.
Et alors, demain, tu seras sacré roi.

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