Du diktat de l’apparence au positionnement politique que je prends enfin, mon été ne va pas être vide. Pas totalement. Entre deux révisions – concours administratif, année de fac, je suis loin d’avoir tout acquis cette année, j’ai encore des choses à me prouver –, c’est décidé, je m’implique.
On a un projet, avec des copains. Un projet politique. C’est fou comme des personnes de convictions différentes peuvent parvenir à trouver un terrain d’entente en acceptant de partager et d’écouter ceux qui ont aussi des choses à dire. Et du coup, ce projet, on va le transformer en quelque chose de viable. Mais d’abord, on va le plancher à fond, donc je développerai plus tard cet aspect-là de mon été qui va peut-être se transformer en plusieurs années de boulot.
J’ai aussi décidé de lutter contre le diktat de l’apparence. Et pas à la façon des journalistes. Sérieusement, ils cataloguent « mannequin grande taille » des femmes comme vous et moi ! Elles ne sont pas squelettiques donc elles sont grosses. Et tout le monde dit « C’est formidable, cette acceptation du corps ».
Ouais, bien sûr, acceptation du corps, mon cul. Parcage insensé, plutôt. Pourquoi « mannequin grande taille » ? Mannequin tout court. Encore de la discrimination déguisée en avancée des mœurs. Et en plus, c’est parfaitement sexiste.
Vos sacro-saints mannequins grande taille, ce sont juste des femmes. Où sont les hommes ? Où sont les hommes avec des rondeurs, avec des formes, un peu de ventre et quelques poils ? Nulle part. Ce sont toujours des blocs de muscles photoshopés qui règnent en maître dans l’univers du mannequinat.
Et moi, ça me fait vomir.
J’en vois certains venir, qui me diront « Tu dis ça, mais tu te retournes quand même sur les mecs des magazines ». En fait, non, physiquement, ils m’ennuient, ces mecs-là. Ils sont sans surprise, j’ai vu le même dans un magazine chez mon médecin, c’est donc devenu sans intérêt.
Vous voulez que je vous dise ? L’homme qui partage ma vie mesure 1m79 pour 107 kilogrammes.
Et bordel, qu’il est beau, comme ça.
La force des muscles et la tendresse de ce bidon qui se balade au niveau de ses abdos. Moi j’aime les hommes qui ont des formes, alors montrez-m’en dans les magazines. Fi donc de tous ces corps similaires, où rien n’est extraordinaire, ou rien ne marque. Fi donc de ces gens oubliables, au corps tellement canon qu’on pourrait les échanger contre n’importe lequel qui soit un peu semblable.
Je ne veux pas ressembler à ça. Je ne veux pas que l’homme de ma vie ressemble à ça. On finit par tous devenir pareils !
Alors au diable votre précieuse silhouette de rêve, ventre plat, taille 36 et 90C ou D. Je serai celle que je suis, c’est à prendre ou à laisser.
Il est inutile de lutter contre les discriminations raciales ou sexuelles si c’est pour dévier sur des discriminations de forme. On peut être gros (et pas ROND, un rond c’est en deux dimensions et personne ne peut être aussi plat. Pourtant dieu sait que je connais des grosses sans beaucoup d’aspérités de caractère…) et beau, comme on peut être mince et moche.
J’aimerais tellement faire entendre mon point de vue à tout le monde, qu’on finisse tous par y adhérer et s’y attacher, où l’effet de groupe ne serait pas dû à une ressemblance physique mais à une accointance de caractère, une passion commune et où il n’y aurait plus d’exclus pour cause d’apparence hors critères.
C’est un de mes rêves. Je le partage avec vous. Je voudrais pouvoir sourire sans avoir honte de mes dents trop grandes sur le devant parce que je suce mon pouce depuis que je suis gosse et que je n’ai toujours pas fini. Je voudrais pouvoir sourire sans qu’on me demande pourquoi mes dents du bas se font la guerre, les uns sur les autres et des grandes zones sans dents, comme une zone de non-agression.
Je voudrais que mon amie, oui, celle-là, qui a des hanches volumineuses, cesse de se dire qu’elle n’est pas belle parce qu’elle rentre pas dans vos pantalons trop étroits et votre mode trop ridicule.
Je voudrais que mon ami, oui, celui-là, qui n’a pas vraiment de muscles, ne s’étonne plus quand il voit que quelqu’un s’est retourné sur lui, ne plus l’entendre dire que c’est sûrement qu’il avait quelque chose de travers.
Je voudrais que vous, qui me lisez, puissiez vous observer dans une glace en vous disant franchement que vous êtes beaux et que vous cessiez de pester contre votre nez de travers, bouche trop grande, sourcils trop écartés, j’en passe et des meilleures.
L’eugénisme des pauvres, j’en ai ma claque. Alors mon nez à bosse, mes dents de travers, mes cicatrices et mes vergetures vous saluent bien bas et moi, je tourne définitivement le dos à ces jérémiades insensées.
[À nous deux, connard de diktat. Je ne me laisserai pas faire.]