[La "théorie du genre" à l’école]
Comme beaucoup, la première fois que j’ai entendu parler de cette chose, c’était via un article qui expliquait que l’école allait mettre en place des cours d’éducation sexuelle à l’école, avec pratique active pour nos enfants et qu’on allait interdire à Pierre de vouloir devenir pompier, pour faire l’apologie de la théorie du genre qui veut que le genre masculin et féminin ne soit plus qu’un seul et même genre.
Évidemment, ça m’a révoltée. Je ne parvenais pas à croire un seul instant que notre Ministre Vincent Peillon pourrait laisser faire une chose pareille.
Ni une ni deux, j’ai engagé la conversation avec ma très chère Leen, qui est professeur des écoles. Elle saurait forcément si une telle chose existait. « Bien sûr que non. »
Avec le recul, je me trouve stupide d’avoir pu douter de l’intégrité de notre Ministre.
Alors, la théorie du genre, c’est quoi, exactement ?
Tout d’abord, c’est une traduction de « theory of gender ». Pour rappel, quand même, theory peut aussi bien vouloir dire « théorie » qu’« hypothèse » et du coup, ça veut plus du tout dire la même chose. Au-delà de ça, il s’agit aussi de déformation d’études américaines des années 70, qui portaient sur le genre.
En fait, ils essayaient de voir si sexe et genre étaient irrémédiablement liés et si le genre n’était pas conditionné par les influences sociales reçues dans nos enfances.
Ce n’est qu’un résumé très succinct, mais ça explique juste que ça ne remet pas en cause ses testicules si un homme aime les fleurs et le maquillage, qu’une femme aura toujours un utérus si elle joue au soldat et au pompier dans son enfance.
Par exemple, je sais que je n’ai jamais à subir, dans mon enfance, des mots du genre « c’est pas un jeu pour les filles », parce que ma mère et mon père, qui étaient séparés, chérissent l’idée d’égalité des sexes et si j’avais envie de jouer avec les soldats de mon frère, je pouvais sans me faire engueuler, comme lui pouvait, s’il le souhaitait, jouer avec mes poupées. Ni lui ni moi ne remettons en cause, à l’heure actuelle, nos sexes. J’aime être une femme et je suppose que sa condition d’homme ne l’empêche pas de vivre. Ça ne l’a pas pédéifié et je peux vous assurer que j’aime toujours les hommes. (Ou si la personne qui partage mon lit est une femme, elle a un très gros clitoris.)
Le dernier sens du mot « théorie du genre » est un ensemble de rumeurs folles qui se propagent en France comme une traînée de poudre déjà enflammée. Ces rumeurs racontent qu’on apprendrait aux enfants comment se caresser intimement entre eux en salle de cours, le tout sous le regard pédophile d’une association LGBT. Ces rumeurs gonflent en affirmant que le petit Jean s’est retrouvé forcé de jouer de la poupée et punir s’il voulait être pompier, qu’on lui avait mis une robe. Ces rumeurs parlent de petites filles rentrant en pleurs chez elles en disant qu’elles ne veulent pas devenir un petit garçon.
Décryptons-les ensemble :
• Dans la première, je vois un amalgame flagrant entre pédé (issu de pédéraste) et pédophile. Tout d’abord, rappelons que le terme pédé est un terme familier et péjoratif pour qualifier les homosexuels, qui s’est répandu à cause d’un mélange fait par des gens semi cultivés.
La pédérastie définit une pratique homosexuelle entre un homme et un garçon. Évidemment, tout le monde sait que dans la Grèce antique, ce genre de pratiques était courant. Toutefois, peu de gens savent que c’était dans un but éducateur et tout le monde mélange les contextes. À cette époque, ce n’était pas mal vu de s’occuper de la formation sexuelle d’un jeune homme. Toutefois un homme qui n’avait pour compagnon qu’un autre homme était également mal vu. De nos jours, un homme ou une femme qui a des relations sexuelles avec un enfant se verra en découdre avec un tribunal pénal, puisqu’il est formellement condamné d’avoir ce genre de rapport avec un mineur.
L’homosexualité, quant à elle, est une attirance physique et sentimentale envers les personnes de même sexe. C’est-à-dire que deux femmes qui tombent amoureuses l’une de l’autre ont les mêmes désirs d’avenir qu’un couple constitué d’un homme et d’une femme, les mêmes besoins, les mêmes projets : maison, enfants, mariage. En constituant cette définition, il ne me semble pas avoir noté que l’homosexualité avait un quelconque rapport avec la pédophilie. Allez parler à mes amis homosexuels, garçon ou fille, de toucher des enfants, vous allez voir comment vous allez être reçus. Probablement avec des coups de batte.
Il apparaît également un grand manque de confiance envers l’institution scolaire. Pour rappel, afin de devenir enseignant, il faut disposer d’un casier judiciaire vierge, et donc n’avoir commis aucun délit ou crime. Ils sont également obligés de veiller à ce que nos – vos – enfants bénéficient d’un équilibre leur permettant d’acquérir des connaissances solides dans différentes matières dont la liste est fait sur le site du Ministère de l’Éducation Nationale. En aucun cas, il n’est fait état d’un apprentissage de la masturbation qui, rappelons-le, est CONDAMNABLE. Une quelconque pratique sexuelle avec des enfants relève de la PÉDOPHILIE et donc va à l’encontre même du premier point évoqué quant aux professeurs. On va faire simple pour les esprits étroits :
Pédophilie = délit/crime = casier judiciaire pas vierge = impossibilité d’être professeur.
• Pour la deuxième rumeur, je n’ai qu’une seule chose à dire : c’est de la foutaise. Le but de l’ABCD de l’Égalité est de promouvoir une égalité entre les possibles accessibles aux différents sexes. Pas d’inverser les tendances. Il est fort peu probable voire même impossible (à moins de tomber sur un professeur des écoles particulièrement con, ce qui n’est pas non plus totalement exclu de mon discours, les cons ne sont pas que chez les intolérants) qu’on ait forcé votre petit à jouer à la poupée en lui interdisant de vouloir devenir pompier et en lui mettant une robe.
Bon sang, mais c’est tellement absurde que c’est presque risible. Je dis presque parce que ce sont nos enseignants qui souffrent. Je ne sais pas comment est abordée la question de l’égalité homme/femme à l’école. Mais il ne faut pas exclure la possibilité que votre enfant ait, dans son impatience à raconter sa journée, quelque peu déformé ce qu’il s’est passé. Peut-être a-t-il voulu dire « Le maître, il a dit qu’un garçon aussi ça peut jouer à la poupée et que je n’étais pas obligé de devenir pompier. » et c’est sorti de travers « le maître il m’a fait jouer à la poupée et même que j’ai pas droit de devenir pompier. ». Ce ne sont que des enfants. Je ne vous dis pas de les traiter de menteurs dès qu’ils disent quelque chose, mais de tenir en compte le fait qu’ils n’ont pas forcément les mêmes rapports à la langue que vous. Un enfant qui a beaucoup de choses à dire va essayer de tout dire d’un seul coup, sa capacité à organiser les éléments de sa vie est quelque peu bouleversée parce qu’il apprend des millions de choses.
En plus, il y a toujours la possibilité qu’il invente, sans le vouloir. À force d’entendre ses parents parler de ce genre de trucs, il finit par être convaincu que ça s’est vraiment passé. Par exemple, je suis affirmative, quand j’étais enfant, j’ai vu le Père Noël déposer des cadeaux devant le sapin, alors qu’il venait d’arriver par la cheminée. Et mes parents dormaient. Je suis catégorique, j’ai ce souvenir dans ma tête, il est vieux de 20 ans, mais je le possède. Pourtant, on est bien d’accord, ça n’a pas pu arriver, puisque le Père Noël n’existe pas. À force d’entendre mes parents me répéter, en période de Noël, que le vieux barbu allait faire ça, je me suis créé un souvenir. Il n’est pas impossible que les enfants d’aujourd’hui fassent de même avec quelque chose qui fait peur à leurs parents.
• Quant à la troisième rumeur, on en revient exactement à ce que je disais plus haut. Oui, des petites filles sont certainement rentrées chez elles en pleurs parce qu’elles veulent rester des petites filles. Mais bien évidemment, les enfants discutent entre eux, aussi de ce que se disent les parents. Si ces irresponsables cessaient d’impliquer des jeunes oreilles dans des conversations qu’ils ne peuvent pas comprendre, peut-être qu’ils n’iraient pas faire pleurer leur copains en leur disant que les filles deviendront des petits garçons.
C’est trop simple de rejeter la faute sur les instituteurs et les réformes incomprises par les Amis du Moyen-Âge. Les enfants se construisent à la fois dans le contexte familial et scolaire, ça implique de grandes responsabilités pour les deux partis.
Je vais vous montrer un exemple tiré de ma propre expérience : mon frère a découvert assez jeune que mon père n’était pas son géniteur, que ce n’était pas lui qui avait mis la petite graine. Nous ne sommes que des demi-sangs. Pendant des mois, au cours de nos disputes – fréquentes dans ma fratrie – il m’a hurlé au visage « DE TOUTE FAÇON T’ES PAS MA SŒUR ! ». À aucun moment, on ne lui a dit que je n’étais pas sa sœur et qu’il n’était pas de notre famille. À mes yeux, il était mon frère et puis c’était tout et c’était dur à assumer pour moi qu’il me regarde dans les yeux pour me dire que je n’étais pas sa sœur. Je ne connaissais pas les détails, mais de son âge, mon frère a résumé la révélation reçue par un « T’es pas ma sœur. » après on m’a expliqué ce qu’il se passait et pourquoi il disait ça. Ça m’a moins révoltée, moins choquée, parce que le résumé de l’idée trouvait un fond et une interprétation, toujours blessante, mais explicable.
Combien de ces parents qui refusent de mettre leurs enfants à l’école ont tenté de comprendre, auprès des professeurs des écoles, d’où venait cette peur de leurs enfants ? Peu. Parce qu’ils ont vu, au travers les pleurs de leurs enfants, les craintes qu’ils leur avaient communiqué se concrétiser.
Être un adulte, c’est pas facile. Il s’agit de ne pas parler à tort et à travers, ni devant des oreilles qui ne peuvent pas comprendre, ou de ne pas le faire en termes trop complexes. Les gens qui ont reçu un texto et qui y ont cru bêtement ne sont pas des adultes. M’enfin, pourtant, vous devez vous souvenir de cette règle numéro un que vous inculquez à vos enfants : « Ne faites pas confiance à quelqu’un que vous ne connaissez pas. »
Si, au lieu de se laisser bêtement convaincre par des rumeurs aux fondements douteux, les parents s’étaient simplement renseignés auprès de leurs écoles, auprès des directeurs et des professeurs, alors que peut-être il n’y aurait pas eu tout ce tollé absurde. Nos professeurs et directeurs d’école ont reçu une formation pour ça. Ce sont des professionnels, ils savent ce qu’ils font. Faisons-leur confiance.
Pour aller plus loin que mon point de vue lointain sur le sujet :
• L’article d’une professeur des écoles qui rappelle ce qu’il se passe dans une salle de classe :
http://rue89.nouvelobs.com/2014/01/31/a-ceux-tremblent-mot-genre-voici-passe-classe-249535
• Le démenti et l’écartèlement de ces rumeurs absurdes :
http://www.francetvinfo.fr/societe/education/masturbation-theorie-du-genre-a-l-ecole-decryptage-de-cinq-folles-rumeurs_516005.html
• Un joli résumé des causes et des conséquences de cette « théorie du genre » et de la réaction qui fut provoquée :
http://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2014/02/01/face-a-la-desinformation-resserrer-les-liens-entre-familles-et-ecole.html